Pour 2014, tous nos vœux à l’écotaxe poids lourds...
Tribune parue dans le journal Libération du 8 janvier 2014
Chaque jour sans taxe poids lourd coûte cher socialement, économiquement et pour l’environnement.
Depuis le mercredi 1er janvier 2014, les transporteurs routiers doivent s’acquitter d’une taxe fixée en fonction du nombre de kilomètres parcourus. Cette taxe sera répercutée sous forme de majoration des prix pour les chargeurs, incitant d’une part les transporteurs à optimiser leurs déplacements et orientant les chargeurs vers des modes de transport alternatifs d’autre part.
Ou du moins, c’est ce qui était prévu.
En réalité, après cinq reports, la taxe sur les poids lourds a été suspendue sine die, sous le poids des lobbies. Pour autant, le problème reste entier !
Dans un contexte marqué par une politique des transports complètement dévalorisée, très favorable au mode routier et fortement marquée par le dumping social et environnemental, le fret ferroviaire comme le fluvial sont de plus en plus marginalisés. Baisse de la taxe à l’essieu, généralisation des 44 tonnes en janvier 2013, exonération de contribution carbone et réhabilitation des projets routiers dans les contrats de plan État-région, les transporteurs routiers jouissent de multiples privilèges, que leur octroie l’Etat alors même qu’ils figurent parmi les premiers émetteurs de gaz à effet de serre. Au lendemain de la publication du rapport alarmant du GIEC, le gouvernement envoie un bien mauvais signal à l’encontre des engagements pris en faveur d’un véritable report modal vers le fer et le fluvial.
Un Collectif Basque manifeste pour l'Ecotaxe
Le transport routier est le mode de transport le moins cher parce que ses coûts externes ne sont pas facturés : usage des infrastructures, nuisances sonores, pollution et accidentologie ; ces coûts restent assumés par la collectivité, les salariés et les contribuables, vous et moi en somme.
Inscrite dans la loi LOTI en 1982, disparaissant avec la suppression de la Tarification routière obligatoire (TRO) en 1986, une tarification obligatoire, basée sur le juste coût des transports en internalisant les coûts externes, doit être remise en place.
Ceux qui tirent aujourd’hui profit d’un transport tellement sous-tarifé qu’il n’est même plus un frein aux délocalisations industrielles, qui multiplient les parcours parasites et polluants de marchandises, et contribuent à vider l’emploi des territoires, grande distribution, chargeurs, gros donneurs d’ordres doivent être responsabilisés, doivent payer.
La mise en place de l’écotaxe poids lourds est un premier pas pour s’orienter vers le juste coût du transport et œuvrer à une véritable politique de report modal.
Elle doit s’accompagner d’une politique claire sur la volonté du gouvernement de relancer le fret ferroviaire sous maîtrise publique, le concept du «wagon isolé» que seul «fret SNCF» est capable d’assurer, de remettre aux normes les lignes ferroviaires, les triages à niveau, et de renouveler le matériel, pour une véritable reconquête d’un transport ferroviaire de marchandises maillé sur l’ensemble du territoire, mais aussi en complémentarité avec le fluvial dont nombre de canaux ont, eux aussi, besoin de remises en état. La décision du Grenelle de l’environnement de déclarer d’intérêt général le développement du fret ferré, maritime et fluvial doit être transcrite dans la loi.
Le partenariat public-privé contracté avec EcoMouv’ pour collecter cette taxe est largement contesté, la collecte de l’impôt et des taxes répondant des fonctions régaliennes de l’Etat. Néanmoins, ceci ne doit pas être pris comme prétexte pour enterrer l’écotaxe.
Chaque jour sans taxe poids lourd coûte cher socialement, économiquement et pour l’environnement. Le risque est réel de voir la fermeture de lignes de fret et la remise en cause du financement des Trains d’équilibre du territoire (TET). Priorité absolue doit être donnée au financement des modes de transports alternatifs à la route.
2014 doit sonner le retour du report modal et de la maîtrise publique, l’année où nous transporterons mieux, moins et autrement.
Par Fabienne Cru-Montblanc (dirigeante de la CGT en charge des questions de développement durable),
Dominique Launay (secrétaire général de l’Union interfédérale des transports de la CGT),
Bruno Genty (président de France nature environnement),
Stéphen Kerckhove (délégué général d’Agir pour l’environnement),
André Milan (secrétaire général de la CFDT transports-environnement),
Cécile Ostria (directrice de la fondation Nicolas-Hulot),
Pierre Perbos (président du réseau Action Climat).