L’avenir du TER : des transferts sur route ? ... 1ere partie
Conférence de presse du mercredi 6 février 2013
L’avenir du TER : des transferts sur route ? Idées reçues contre données objectives
Introduction : train ou autocar ?
La pérennité des dessertes ferroviaires TER est aujourd’hui clairement menacée sur les lignes régionales irriguant des bassins de population de faible densité, petites villes et zones rurales.
Suite à l’aggravation de leurs difficultés budgétaires, les différents acteurs – Etat, régions, RFF, SNCF – estiment en effet que la régénération des infrastructures implique des investissements trop importants au regard du volume constaté de la clientèle, ou bien jugent excessif le coût de l’exploitation ferroviaire.
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X TER VS Autocar
1ère partie - Les performances techniques du train et de l’autocar : le point de vue de l’usager
Seule la desserte des zones de faible densité de population est envisagée ici. On ne compare donc pas le train et le car en général, mais un autorail diesel X 73500 de la SNCF circulant sur une ligne UIC 7 à 9 et un autocar standard de 55 places utilisé sur la plupart des réseaux départementaux français.
Idée reçue n°1 : train ou autocar, c’est le même confort. FAUX !
+ En matière de conditions d’accueil (couloir, sièges, bagages), les deux véhicules ne sont en rien équivalents: par passager assis, l’autorail offre un espace environ 1,8 fois supérieur à l’espace offert par le car standard. Pour que le car offre le même espace que le train, il faudrait ramener sa capacité à 30 places.
+ La différence de confort entre train et car est beaucoup plus marquée que celle qui existe entre tramway et bus à haut niveau de service (BHNS) en transport urbain, surtout sur les routes des régions montagneuses.
+ Les arrêts ferroviaires sont presque toujours équipés de gares ou au moins d’abris, de mobilier, de quais et de panneaux d’information, tandis que l’équipement des arrêts d’autocar se résume le plus souvent à de simples poteaux le long de routes.
+ Nombre de départements font de réels efforts pour équiper leurs réseaux de véhicules routiers à plancher bas et aménager des équipements d’accueil au sol, mais les prestations routières n’atteignent jamais le « niveau ferroviaire ».
X TER 73 500 à la Roche sur Yon
Idée reçue n°2 : l’autocar est aussi rapide que le train. FAUX !
En ce qui concerne les vitesses, l’autorail l’emporte également :
+ la vitesse de pointe des autorails TER français est de 140 ou 160 km/h, mais celle des autocars reste limitée par le code de la route entre 80 et 100 km/h ;
+ les vitesses moyennes des TER effectuant des services omnibus sont rarement inférieures à 60 km/h, tandis que celles des autocars peinent à atteindre 40 km/h. Ces écarts peuvent certes se réduire en fonction des sections de voie ferrée ou de route empruntées (le car peut desservir le centre des bourgs alors que les gares sont souvent excentrées), mais l’avantage ferroviaire dû à l’existence d’un site propre domine largement, tandis que la généralisation des déviations d’agglomération et la multiplication des carrefours en ronds-points restreignent la vitesse commerciale des autocars.
Autocar en gare routière d'Angers
Idée reçue n°3 : l’autocar est aussi fiable que le train. FAUX !
+ L’autocar est plus sensible que le train aux aléas climatiques et soumis, de plus, aux aléas de la circulation routière. Sa régularité est donc encore plus difficile à assurer que celle du train, sauf à détendre les horaires de manière dissuasive pour l’usager. Il en est de même de la fiabilité des correspondances avec les trains de grandes lignes. Un seul exemple : les dessertes routières de l’Ardèche sont parmi les meilleures, mais l’horaire du car Aubenas-Montélimar qui assure la correspondance avec le TGV intègre une marge de l’ordre de 15 minutes.
+ La capacité à absorber les trafics de pointe est un autre aspect de la fiabilité : celle du train est incontestablement supérieure à celle de l’autocar, qui n’accepte pas de voyageurs debout ou assis sur des strapontins.
La supériorité technique du train sur l’autocar est souvent exprimée par les voyageurs : nous en présentons ici plusieurs confirmations tirées d’études ou d’observations de terrain.
L’étude de l’Observatoire régional des Transports des Pays de la Loire
+ Près d’un tiers (30%) de la clientèle ressent le passage à l’autocar, toutes choses égales par ailleurs, comme une régression du transport public et retourne immédiatement à l’automobile.
+ Quel que soit le mode considéré, autorail ou autocar, une augmentation de seulement 10% de la durée du trajet entraîne une baisse de 20% (coefficient d’élasticité – 2,0) de la fréquentation et une augmentation de 10% des fréquences entraîne une hausse de 7% de la fréquentation (coefficient d’élasticité + 0,7).
+ Ainsi un transfert sur route avec maintien de la fréquence et augmentation de 20% de la durée du trajet (la durée du trajet de bout en bout passant par exemple de 1h à 1h10) se traduit par une baisse de :
30% + (40% de 70%) = 58% de la fréquentation.
Pour maintenir la fréquentation à son niveau ferroviaire, il faudrait doubler la fréquence.
En pratique, comprise entre 30% et 70%, la perte observée de clientèle est sans doute en moyenne voisine de 50% : cela signifie que l’autocar attire en moyenne deux fois moins de voyageurs que l’autorail et n’est utilisé que par la clientèle captive.
L’aveu de la DGTPE
La DGTPE a reconnu ce phénomène de désaffection pour le transport public routier et proposé d’augmenter la fréquence (jusqu’à 20 services par jour) pour maintenir le niveau de la fréquentation, ce qui aurait évidemment des implications en matière de coûts et de consommation d’énergie.
Les transferts sur route des années 1970
Dans leur ouvrage très précis « Des omnibus aux TER » (La Vie du Rail, 2002), Pierre-Henri Emangard, Bernard Collardey et Pierre Zembri citent des pertes de trafic de 37% lors des nombreux transferts intervenus dans les années 1970 (moyenne sur 20 lignes).
Un taux moyen de 50% aujourd’hui est donc vraisemblable. En effet, depuis 30 ans, le taux de motorisation des ménages est passé de 60% à plus de 80% ; le confort et la fiabilité des voitures se sont améliorés ; le réseau routier a été vigoureusement modernisé ; le prix des carburants, rapporté au salaire moyen, a été divisé par 3. L’usage de la voiture est donc devenu beaucoup plus attractif.
Certes le confort du car a progressé, mais moins vite que celui du train régional. Enfin, les dessertes ferroviaires étaient tellement mauvaises vers 1970 que les pertes de trafic alors constatées seraient bien plus élevées si on les avait calculées à partir du trafic ferroviaire potentiel.
En gare de Ste Pazanne sur la ligne Nantes - Pornic avant la rénovation de la voie
Les réouvertures de lignes
Des données précises sont connues pour le cas inverse de transfert sur rail.
Sur la relation Nantes-Pornic, des trains circulaient uniquement en été, puis la desserte a été entièrement basculée sur rail en 2001-2002. La hausse du trafic a été spectaculaire : entre 2000 et 2005, le nombre de voyageurs a été multiplié par 3,6.
De même, la ligne Tours-Chinon a vu sa clientèle diminuer de 20% lors de sa fermeture en 1980 malgré un renforcement de la fréquence des cars, et l’a retrouvée immédiatement lors de sa réouverture en 1982. En 1987, le trafic atteint 500 000 voyageurs, 30% de plus qu’en 1979.
A suivre