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Publié par Fnaut Pays de la Loire

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François Hollande s’est déclaré en faveur d’une « TIPP flottante », afin de modérer le prix du carburant automobile. Cette mesure serait nuisible écologiquement et injuste socialement.

 

 

Afin de limiter la hausse du prix des carburants automobiles, François Hollande, soutenu par le PS et des associations de consommateurs (UFC, CLCV), vient de proposer un retour de la TIPP flottante, mesure appliquée par le gouvernement Jospin entre 2000 et 2002 : c’est non seulement une fausse bonne idée, mais un signal très pernicieux lancé à l’opinion (1).

 

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  Photo : site officiel du candidat

 

1. Comme l’a montré l’économiste Jean-Marie Beauvais dans une étude réalisée à la demande de la FNAUT et de l’ADEME en 2008, le prix réel du carburant nécessaire pour parcourir 100 km a été divisé par 2,8 depuis 1970 (voir FNAUT Infos n°173 : le salaire minimum a augmenté bien plus vite, en monnaie courante, que le prix des carburants et, fait trop souvent ignoré, depuis 10 ans, les taxes (TIPP et TVA) sur l’essence sont passées de 78% à 60% environ, et celles sur le gazole de 70% à 50 % (la TIPP est de 0,6 euro/litre sur l’essence et de 0,43 euro sur le gazole). En 1985, les dépenses des ménages en carburant représentaient 4,4% de leur budget, 3,4% seulement en 2009 (source INSEE).

 

Par ailleurs un automobiliste souhaitant limiter sa dépense peut pratiquer l’écoconduite, qui permet aisément d’abaisser de 20% sa consommation de carburant et contribue à la sécurité routière. Il lui est souvent possible de se rabattre sur un parking-relais et d’utiliser un transport collectif sur une partie de son trajet.

 

Dans ces conditions, on ne peut affirmer que le prix des carburants est devenu insupportable pour l’ensemble des ménages. Il faut d’ailleurs combattre l’idée reçue que la voiture (achat, assurance, carburant, péages, entretien, réparations,…) est devenue hors de prix. En 1985, les dépenses automobiles des ménages représentaient 14,2% de leur budget, 10,9% seulement en 2009. De 1970 à 2009, les dépenses automobiles des ménages ont été multipliées par 18 en monnaie courante, les dépenses de logement par 27 ; de 2002 à 2009, les premières ont été multipliées par 1,2 et les secondes par 1,4.


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2. Sauf à accepter une réduction drastique et durable des recettes de l’Etat (lourdement endetté) et des Régions (qui bénéficient du reversement d’une part importante de la TIPP et réclament de nouvelles ressources pour pouvoir développer le TER), il est illusoire d’espérer contenir la hausse du prix des carburants, qui a un caractère structurel : comme cela est bien connu, cette hausse est la conséquence d’une augmentation de la demande mondiale de pétrole et de l’épuisement progressif des réserves prouvées de pétrole, phénomènes dont les effets sont accentués par la dépréciation de l’euro par rapport au dollar et par les risques géopolitiques qui pèsent sur notre approvisionnement auprès de divers pays producteurs (aujourd’hui Iran et Nigeria).

 

Le prix du baril de pétrole influence en gros la moitié du prix du carburant, directement ou par le jeu de la TVA. Si le baril était à 150 dollars (comme en juillet 2008) au lieu de 100 aujourd’hui (+ 50%), le prix du carburant augmenterait donc de 25%, il serait de 1,85 euro environ au lieu de 1,50. Si le baril était à 200 dollars, le prix du carburant serait d’environ 2,25 euros : pour le maintenir à la valeur actuelle, il faudrait supprimer toutes les taxes, la TIPP qui rapporte 14 milliards d’euros par an et la TVA !

 

Contrairement à ce qu’affirment l’UFC et la CLCV, une baisse des coûts de raffinage et de distribution (qui représentent entre 20 et 25 centimes par litre de carburant) aurait un impact minime sur le prix de vente des carburants.

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3. Si on continue à encourager la circulation automobile, comment lutter contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique, et limiter notre déficit commercial, creusé par nos importations de pétrole ? La Cour des Comptes elle-même vient de souligner la nécessité de mettre en cohérence la fiscalité des carburants avec les objectifs du Grenelle de l’environnement.

 

Dans une étude réalisée récemment pour le PREDIT, François Gardes, professeur à l’université Paris 1, et son équipe ont démontré que si la hausse moyenne du prix du carburant incite le consommateur à modérer son usage de la voiture, la volatilité du prix a un effet important qui s’ajoute au précédent : les années où les fluctuations sont fortes (2008), l’automobiliste est plus sensible au prix maximum constaté qu’au prix moyen, et la baisse de consommation est plus forte (d’environ 30%) que prévu. Réduire la volatilité par une politique fiscale contra-cyclique telle que la TIPP flottante conduirait donc à augmenter la consommation de carburant.

 

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Avec un milliard d’euros, on construit 50 km de tramway (Tramway du Mans)

 

4. Enfin le retour à la TIPP flottante serait une mesure particulièrement injuste. Ce serait faire un cadeau inutile aux automobilistes (et aux entreprises) disposant de revenus corrects et pouvant donc encaisser la hausse actuelle et future du prix des carburants, et oublier que, parmi les ménages modestes, beaucoup ne sont pas motorisés. Ces derniers sont les plus pauvres de nos concitoyens, et leur mobilité est limitée par la pénurie de transport collectif. L’argent public doit être consacré en priorité au développement du transport collectif : avec un milliard d’euros, on construit 50 km de tramway.

 

On ne peut certes méconnaître la situation difficile des ménages modestes obligés de se loger en milieu périurbain ou rural, loin de leur lieu de travail et ne disposant pas actuellement de transports collectifs adaptés à leurs besoins. Ces ménages doivent être aidés par des mesures sociales générales, bénéficiant à l’ensemble des ménages modestes et ne privilégiant aucun type de consommation, non par des mesures spécifiques perverses susceptibles de les encourager à utiliser la voiture alors qu’il faut au contraire les inciter à se libérer de la dépendance pétrolière.

 

Laissons un expert conclure. Selon Jean-Marie Chevalier, directeur du centre de géopolitique de l’énergie et des matières premières : « les blocages des prix donnent aux consommateurs de faux signaux et entretiennent des illusions, le réveil est dur ».

 

Source : Courriel à Reporterre.

Jean Sivardière – 27 janvier 2012

 

 

 

 

Notes : (1) TIPP : taxe intérieure sur les produits pétroliers. UFC : Union fédérale des consommateurs. CLCV : Consommation logement cadre de vie. PS : Parti socialiste. Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. TVA : taxe à la valeur ajoutée. TER : train express régional. PREDIT : Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres.

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J
<br /> J'ai écouté cette émission radiophonique. Je ne suis pas toujours d'accord avec ce jeune Barouin, mais il est une évidence, ni la droite ni la gauche ne pourra modifier le jeu des pétroliers. Le<br /> seul moyen de faire des économies au niveau de notre Etat, est d'éviter de consommer du carburant issu du pétrole. L'énergie coûte et coûtera de plus en plus cher (merci les verts !!!...ça rime<br /> !). La seule énergie qui ne coûte pas cher est celle que l'on utilise pas.<br />
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F
<br /> En effet, c'est déjà la base de toute politique durable ... Mais une chose est rarement mis en avant c'est inadéquation entre les capacités de raffinage de nos raffineries (essense) et la<br /> consommation de gazole en France qui correspond aux choix non pas des pétroliers mais des fabricants de voiture... Les 2 industries ne travaillent pas en symbiose... Pour définir une politique<br /> cohérente, il faut peut être se mettre en capacité pour le faire... De toute manière le pétrole va augmenter progressivement... Il faut donc s'adapter.<br /> <br /> <br />
F
<br /> Le gouvernement vient de donner une réponse à la proposition de TIPP flottante:<br /> <br /> <br /> Voir la réponse de F. Baroin dans le journal la Tribune du 28/02/2012<br /> <br /> <br /> La France "n'a pas les moyens" de bloquer les prix des carburants, qui battent des records, ou de revenir à une fiscalité permettant d'amortir les fluctuations excessives des cours des<br /> produits pétroliers, a estimé mardi le ministre de l'Economie François Baroin.<br /> "Bloquer les prix ou revenir à la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) flottante, nous n'en avons pas les moyens", a affirmé François Baroin, ce mardi sur la radio France Inter,<br /> en allusion à la crise des dettes publiques. En outre, "ce serait faire payer par le contribuable ce qui doit être payé par l'utilisateur", a-t-il ajouté. Le ministre a souligné aussi qu'il<br /> existait "une part d'évolution de la TIPP qui est sous l'autorité des régions", majoritairement présidées par la gauche, et que cette part avait "évolué, mais toujours à la hausse". L'Union<br /> française des industries pétrolières, qui regroupe le patronat du secteur, a jugé mardi "envisageable" de bloquer les prix des carburants en réduisant les taxes, mais a fait valoir qu'un tel<br /> dispositif serait coûteux. Les taxes représentent 60% du prix du SP 95 et 50% du prix du gazole, alors que "les prix hors taxes sont parmi les plus bas d'Europe", a rappelé l'Ufip.<br /> Le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, s'est prononcé lundi en faveur d'un blocage des prix de l'essence pendant "trois mois", période à l'issue de laquelle il<br /> rétablirait une TIPP "flottante", afin de "restituer au consommateur ce que l'Etat n'a pas à avoir comme recettes supplémentaires". La TIPP "flottante" consiste à baisser les taxes quand le prix<br /> du baril monte et à les augmenter quand il baisse. Selon le ministre de l'Energie Eric Besson, le blocage d'une augmentation des prix des carburants de 10 centimes pour trois mois représente une<br /> charge de 1,25 milliard d'euros pour l'Etat.<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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