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Publié par Fnaut Pays de la Loire

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(Suite)

 

Libéralisation et sous-tarification


Ces comportements traduisent la grave crise que traverse le transport routier de fret, dont les lois de régulation du marché sont aujourd’hui perverties.


La libéralisation du secteur routier, poursuivie de 1985 à 1995, s’est achevée par la suppression de la tarification routière obligatoire jugée préjudiciable au libre exercice de la concurrence. Mais on n’a pas tenu compte de la structure du secteur, composé essentiellement de petites entreprises n’ayant pas d’accès direct au marché et cantonnées à la sous-traitance de la traction du fret.


Dès lors la pression exercée par les chargeurs sur une profession dispersée, aux membres concurrents et en surcapacité a tiré les prix du transport « sec » vers des niveaux souvent inférieurs aux coûts de production. En monnaie constante, les prix du transport ont baissé de près de 30 % entre 1985 et 2002 et les coûts augmenté d’environ 10 %. Quoique ralentie, cette tendance se poursuit. Selon la FNTR, «le métier est en surcapacité, la guerre des prix est féroce et les marges extrêmement faibles, de l’ordre de 1% ».


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Cette valeur moyenne des marges devient négative pour nombre de petits transporteurs. C’est en particulier le cas des nouveaux entrants dans la profession. Près des 2/3 de ces entreprises font faillite au bout de 3 à 5 ans, immédiatement remplacées par de nouveaux entrants. Au premier semestre 2012, selon l’Officiel des transporteurs, 1 245 entreprises ont fait faillite, dont 60% ne comprenant qu’un seul employé. La volatilité du secteur contribue à l’acceptation de conditions draconiennes par les transporteurs en difficulté.


Les transporteurs de l’Est européen ne respectent pas la directive de 1996 sur les conditions sociales applicables aux travailleurs détachés dans d’autres pays de la Communauté. Ils fraudent également sur le nombre de cabotages autorisés après la livraison d’un transport international, limité à trois opérations. Ils vont jusqu’à utiliser de fausses plaques d’immatriculation pour fausser les contrôles. Cette concurrence déloyale aggrave la situation du pavillon français, qui a perdu le quart de son activité de 2007 à 2012 selon l’Organisation des Transports Routiers Européens).


Quelles entreprises peuvent survivre dans cette jungle et comment ? Seules celles de taille déjà importante, implantées largement sur le territoire, disposant d’un service commercial et exerçant le plus souvent des fonctions d’auxiliaires de transport sont à même d’exploiter la rente qui résulte de leur accès direct au marché du fret.


Elles concentrent leurs efforts sur la recherche du fret, l’organisation de la chaîne logistique et l’affrètement qui sont des activités de rapport. Elles assurent avec leurs propres véhicules les trafics les plus intéressants, et sous-traitent les frets moins rémunérateurs. La moindre erreur tactique, la moindre frilosité de leur banque se paie cash, comme le montre le cas du gros transporteur de colis Mory-Ducros et de ses 5 000 emplois directs et 2 000 emplois indirects en péril.


Une intervention rapide des pouvoirs publics afin de sortir de la crise est indispensable. Une partie du secteur routier est consciente qu’on ne peut continuer sans risque à transgresser quotidiennement la loi. Le ferroviaire ne peut suivre et abandonne les territoires. Un grand nombre d’entreprises n’a déjà plus de choix intermodaux valables en cas de crise ou d’intempéries. Le développement durable en est compromis.

 

André Laumin

 

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Le rôle de l’Etat


Une harmonisation des conditions fiscales et sociales est indispensable au niveau européen. Une intervention forte de l’Etat auprès de Bruxelles est nécessaire. Mais une action est dès maintenant possible en France.


1. Mettre en œuvre l’écotaxe et prévoir sa répercussion intégrale sur les prix finaux du transport, à la fois pour lever les réticences de la profession routière et pour freiner la demande excessive de transport liée à un prix de marché déconnecté de ses coûts réels.


2. Durcir les conditions d’accès à la profession routière, notamment en matière de garanties financières qui n’ont pas été relevées depuis 15 ans. On freinerait ainsi l’accès à la profession et, par l’épuration naturelle liée aux faillites, on réduirait sa surcapacité exagérée en faisant disparaître son secteur le plus sensible aux pressions des chargeurs et aux infractions.


3. Multiplier et renforcer les contrôles dans les entreprises et sur les routes. Une campagne de communication devrait préparer un large soutien de l’opinion publique


4. Ne plus faire dépendre les contrôles sur route de la participation de la police ou de la gendarmerie pour arrêter les véhicules. Il arrive souvent que les forces de l’ordre, qui ont d’autres priorités, soient conduites à ralentir l’exécution des contrôles, à en réduire le nombre, voir à amener les contrôleurs à les reporter.


5. Examiner les moyens juridiques d’un contrôle des vitesses moyennes par un relevé systématique, par des agents assermentés, des véhicules aux entrées et sorties d’autoroutes, ou à des points déterminés, afin de multiplier les contrôles à moindre coût.


6. Aggraver les sanctions appliquées aux délinquants, en allant plus souvent vers l’immobilisation du véhicule ou le retrait de la possibilité d’exercer en cas de fraudes graves ou répétées.


7. Renforcer la responsabilité pénale du donneur d’ordre en modifiant le décret de 1992 concernant la co-responsabilité afin d’inverser la charge de la preuve en faveur de l’administration.


8. Mettre en place des dispositifs de formation, d’information et de contraintes juridiques permettant de lutter contre le dumping. Un calcul officiel des prix de revient routiers est à instituer à la place de celui de « l’officiel des Transports » qui n’a rien d’officiel. Publier ces coûts et inciter à les respecter en les prenant comme base minimum pour l’estimation du chiffre d’affaire réalisé par le transporteur dans les calculs pour l’impôt.

 

André Laumin

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