La Taxe Kilométrique Poids Lourds nouvelle victime de la "route"
Taxe Kilométrique Poids Lourds : les transporteurs ont la mémoire courte
Depuis plusieurs semaines, les milieux socio professionnels liés aux transports mettent une très forte pression sur le gouvernement pour reporter, voire supprimer la mise en œuvre de la taxe kilométrique poids lourds (TKPL ou écotaxe) prévue pour le 1er octobre. Selon le journal le Figaro, sa mise en place serait reportée à janvier 2014. Certains envisagent même des actions de blocage de routes. Eclaircissements de France Nature Environnement sur ce dossier.
Un dispositif déjà prévu depuis longue date
La mise en place de la Taxe Kilométrique Poids Lourds sur le réseau routier national (hors autoroutes concédées) a été initiée lors de la précédente législature. Issue d’un engagement du Grenelle de l’environnement de 2007, l’écotaxe a été actée dans la loi Grenelle 1 et votée à la quasi unanimité du parlement. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une mesure irréfléchie décidée ces derniers mois par l’actuelle majorité. Elle résulte d’un choix politique engagé depuis plusieurs années et négocié avec les différentes parties prenantes.
Un dispositif qui a fait ses preuves en Europe
La Taxe Kilométrique Poids Lourds provient de l’application de la directive européenne Eurovignette. Elle a été mise en place dans différents pays européens tels que l’Allemagne, l’Autriche ou encore la République tchèque pour prendre en compte l’usage de l’infrastructure routière par les poids lourds. Les retours d’expérience de nos voisins montrent que la mise en place de ce péage avait un effet sur une meilleure utilisation du transport routier. Pour l’absorber, les transporteurs optimisent leur logistique et leurs circuits de livraison. Ils roulent moins pour le même volume de marchandises et sont donc plus efficaces.
Gérard Allard « responsable du dossier Fret à FNE » : «La TKPL n’est pas un impôt sur le transport routier mais un péage d’utilisation de l’infrastructure routière, comme les opérateurs ferroviaires acquittent un péage d’utilisation des voies ferrées. C'est tout simplement l’application du principe d’utilisateur-payeur. Il est normal que le transport routier, qui utilise les infrastructures routières dans le cadre de son activité, en paie un droit d’utilisation.»
Le transport français : un secteur largement favorisé
Avant même l’application du dispositif, les lobbies routiers crient haro sur le gouvernement mais semblent avoir oublié qu’ils ont bénéficié de nombreux cadeaux fiscaux en compensation depuis que le principe la TKPL a été acté. Parmi ces mesures on notera la diminution de la taxe à l’essieu en 2009 (pour un coût de 50 millions d’euros par an), l’exonération de l’augmentation de la TICPE1 en faveur des régions en 2011 (150 millions d’euros par an), la généralisation de la charge des camions à 44 tonnes en 2012 (coût supplémentaire pour l’entretien des routes estimé à 400 millions d’euros par an à la charge des collectivités locales2) et enfin les diverses exonération (pour certaines routes ou produits) ou minorations pour certaines régions (estimées à 100 millions d’euros) qui vident de sa substance le dispositif.
Pour Michel Dubromel, responsable transports et mobilités durables à France Nature Environnement : «Ces mesures n’ont pas été neutres pour les finances publiques. Elles constituent autant de dépenses fiscales c'est à dire un manque à gagner énorme pour l’Etat en cette période de rigueur budgétaire. De plus chaque mois de retard dans la mise en œuvre de la TKPL fait perdre 100 millions de recettes pour les finances publiques. On en arrive à un coût de l’ordre d’un milliard d’euros ! C'est cher payé pour un dispositif sensé rapporter de l’argent à l’Etat.»
Un dispositif qui ne pénalisera ni les transporteurs ni les consommateurs
La TKPL sera versée par tous les transporteurs utilisant l’infrastructure soumise à péage, elle ne désavantage donc pas le pavillon français et même au contraire, puisque les transporteurs européens devront s’en acquitter également. Ensuite, si sa conséquence sur les coûts de transport a été estimée entre 3 et 4%, l’impact in fine sur les prix à la consommation de l’ordre sera de l’ordre de 0,1%.
La taxe sera payée par les commanditaires et non les transporteurs : le dispositif de report du montant de la taxe sur la marchandise garantit aux transporteurs la prise en charge du coût supplémentaire par le chargeur. Il est donc faux de dire que cette TKPL sera supportée par les transporteurs routiers avec toutes les conséquences économiques sous entendues.
Nous demandons donc au Premier ministre et au ministre des Transports de ne pas céder à la pression d’intérêts corporatistes. Le report de la mise en œuvre de la TKPL par le gouvernement constituerait un très mauvais signal à quelques jours de la conférence environnementale
1Taxe Interieure sur les Consommations de Produits Energétique
2Selon l’étude remise en octobre 2011 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) demandé dans le cadre de la loi Grenelle I par le Parlement sur « les enjeux et les impacts relatifs à la généralisation de l'autorisation de circulation des poids lourds de 44 tonnes ».
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