La gratuité des transports, un effet en trompe l'œil...(suite)
La gratuité des transports, un effet en trompe l'œil
À titre de comparaison, Le Mans a réduit considérablement le nombre de places en centre-ville et a étendu le secteur payant avec une réflexion sur les habitudes. Le stationnement est gratuit pour les riverains (mais pas partout), mais à des tarifs forfaitaires avantageux ailleurs et exorbitant pour les autres. Les riverains ont beau avoir le stationnement gratuit, vu le nombre de places limitées, ils louent souvent un parking privé ailleurs s’ils ont vraiment besoin d'avoir une automobile. Par conséquent, le stationnement est gratuit pour eux, mais ils finissent par payer quand même. En outre, il n'y a que 2700 places de stationnement en parkings qui sont de toute façon payantes à des tarifs élevés de 1 € pour 50 mn à 4 € pour 2h30 puis 0,50 € par 50 mn au-delà. Sur voirie c'est encore plus élevé, 0,50 € pour 15 mn et 2,50 € pour 1H avec une limite de 1H pour la zone 1 et 1h20 pour la zone 2 puis en zone 3 c'est 0,50 € pour 30 mn à 2€ pour 2h (le maximum autorisé). Donc, les habitants ont plutôt tout intérêt à utiliser les transports en commun, c'est moins cher et ils mettent moins de temps que le temps de trouver une place. La vie n'est pas compliquée finalement et cela se voit sur la forte hausse de fréquentation des transports lors de la mise en service de la ligne de tramway victime de son succès.
Après ce rapide constat, il est facile de trouver un certain nombre d'éléments défavorisant l'usage du réseau de transport public.
Le levier n'est pas la gratuité, ce sont les parkings qui deviennent payant et le stationnement en centre-ville plus contraignant qui feront la différence. De plus, il faut noter que l'endettement d'Avignon, même s’il est en forte de baisse constante, reste néanmoins 3,5 fois supérieur à celui de la moyenne nationale, alors engendrer un poste de dépense supplémentaire n'est pas forcément une idée très lumineuse en période où les budgets des collectivités sont tendus.
L'effet pervers de la gratuité, observé à Aubagne, c'est que la part modale des modes doux comme le vélo est très faible, seulement 1% pour le vélo par exemple, car les gens se reportent massivement sur les transports en commun pour des trajets qu'ils auraient effectué autrement.
Un article dans rue89 montrait que des personnes étaient prêtes à attendre un bus près de 15 mn pour effectuer un trajet de 2 ou 3 arrêts seulement ! Résultat, au mois de juillet 2013, pour compenser le mécontentement des voyageurs d'avoir à emprunter des bus surchargés, la collectivité à dû augmenter son offre globale de 15% en une seule fois !
Constat de réussite pour la collectivité qui y voit un engouement pour les transports, mais pari très risqué car ce financement n'est assuré que par le versement transport avec une marge très légère.
Il ne faut pas oublier dans l'actualité passée la fermeture en 2010 de l'usine Fralib, du groupe Unilever qui produit les thés Lipton et Éléphant, qui devait participer à un bon niveau au financement du versement transport. Certes cette usine était située à Gémenos, elle-même située sur le territoire de Marseille Provence Métropole, mais que penser si la même chose arrivait sur le territoire d'Aubagne ? La collectivité serait confrontée soit à maintenir la gratuité de ses transports et en absorber, à ses frais, le manque à gagner par la contribution au versement transport perdue, soit à envisager de rétablir un service payant …
Quant aux investissements, ils se retrouvent plus limités sur le long terme. Châteauroux en est un bon exemple après 11 ans de gratuité. En effet, toutes les agglomérations de taille comparable, telles que Laval, Quimper ou La Roche sur Yon par exemple, ont depuis amélioré leur réseau, et ont même mis en place des services de soirée après 20H30 et jusqu'à minuit, souvent à base d'un système flexible tel que le service Flexo de Keolis, un service à la fois à la demande sans réservation et régulier.
Les agglomérations de taille comparable, telles que Laval ont amélioré leur réseau...
Un tel service existe bel et bien sur le réseau de Châteauroux, mais il s'agit d'un unique départ à 20h10 alors même que le dernier bus sur la ligne principale quitte son terminus à 19h45 ! De plus, en dehors de la ligne principale, les fréquences sur les 14 autres lignes restent faibles à très faibles avec des derniers départs encore plus tôt … Le service est certes gratuit, mais reste plutôt médiocre.
Il est d'ailleurs possible de faire le même constat sur le réseau d'Aubagne avec l'absence de service de soirée, des derniers départs relativement tôt et des fréquences relativement faibles dès lors qu'il s'agit d'autres lignes que la ligne principale. Sans parler de l'absence totale de service le 25 décembre et le 1er janvier.
De plus, les questions posées précédemment concernant le stationnement peuvent également s'appliquer à Châteauroux et Aubagne où les tarifs pratiqués y sont vraiment très bas. Aubagne par exemple propose 260 places gratuites en plein centre-ville avec des tarifs sur voirie relativement faibles.
Et finalement, l'exemple de Tallinn en Estonie souvent mis en avant pour avoir franchi le cap, montre pourtant qu'un réseau quand bien même serait-il gratuit, si la qualité de l'offre n'est pas au rendez-vous, le résultat attendu ne l'est pas forcément non plus.
En effet, le bilan reste décevant puisque l'augmentation de fréquentation enregistrée n'est que de 1,2 % au bout de 9 mois, avec des pointes de 2,8% sur des lignes un peu mieux aménagées ou plus fréquentées*. Or améliorer l'offre et la qualité d'un réseau comme Tallinn a un coût nettement plus élevé que pour un réseau de la taille d'Aubagne pour lequel l'équilibre reste déjà précaire.
D'ailleurs Hasselt aux Pays-Bas a définitivement arrêté la gratuité pour revenir à un service payant.
Quant à Mons en Belgique, la gratuité ne concerne qu'un service de 4 lignes circulaires à sens unique, qui ne sont en réalité que des navettes de rabattement en centre-ville, sur des circuits courts de quelques arrêts, parcourus par des véhicules à faible gabarit.
Plutôt que de tendre vers la gratuité, quitte à maintenir un tarif peu élevé, ne vaudrait-il pas mieux finalement s'orienter vers une véritable amélioration de l'offre de transport et s'attaquer aux vraies questions concernant le stationnement ?
Il sera toujours plus simple et mieux perçu par les usagers d'augmenter légèrement les tarifs de temps en temps si besoin, que de supprimer la gratuité pour revenir à un service payant.
Article sur Tallinn en Estonie
* http://www.baltic-course.com/eng/transport/?doc=79254
http://www.terraeco.net/A-Tallinn-les-bus-gratuits-n-ont,53550.html