La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence
La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence
- Un choix systématique de la grande vitesse ferroviaire
- Un modèle à bout de souffle, au coût devenu non soutenable
- Recommandations
Le développement du TGV s’est opéré en substitution des trains à grande distance classiques Intercités. La préférence française avérée pour la grande vitesse a abouti à un système peu cohérent, où les rames de TGV desservent 230 destinations et passent 40 % de leur temps en moyenne sur les lignes classiques, ce qui nécessite en outre un parc important de rames.
Sur certaines liaisons, les principales conditions de pertinence d’une ligne à grande vitesse (LGV) ne sont pas remplies, à savoir : connexion de bassins de population importants, durée de trajet à grande vitesse comprise entre 1h30 et 3h, peu ou pas d’arrêts intermédiaires, grande fréquence de circulation, taux d’occupation des rames élevé et bonne articulation avec les autres modes de transports.
Le processus de décision qui conduit à créer de nouvelles lignes comporte en effet de nombreux biais favorisant le choix de la grande vitesse : les schémas directeurs deviennent en pratique contraignants, les hypothèses de trafic et la valorisation du temps gagné sont trop optimistes, des annonces prématurées tiennent lieu de décision, les acteurs locaux poussent le projet mais l’appel aux collectivités territoriales pour le financement implique des contreparties coûteuses, le plan de financement de la ligne intervient beaucoup trop tardivement. Enfin, l’atout environnemental du TGV en exploitation, les effets sur les territoires et le développement économique des zones desservies doivent être relativisés.
Il s’ensuit que la rentabilité socio-économique des lignes à grande vitesse est systématiquement surestimée.
Depuis 2008, la fréquentation du TGV connaît une stagnation, qui se reflète dans celle du chiffre d’affaires de l’activité TGV au sein de la SNCF. De plus, la rentabilité des lignes diminue au fil de nouveaux projets de plus en plus coûteux. En outre, la concurrence d’autres modes de transport (autocar, covoiturage) se développe.
La SNCF est par ailleurs confrontée à l’augmentation de ses coûts, en raison de l’accroissement des péages (+8,5 % par an en moyenne sur la période 2007-2013) mais aussi de celui des coûts hors péages (+6,2 % par an sur 2002-2009), y compris celui de la masse salariale.
Dans ce contexte, la marge opérationnelle de l’activité TGV s’est sensiblement dégradée, de 29 % du chiffre d’affaires en 2008 à 12 % en 2013.
De son côté, le haut niveau d’endettement de Réseau Ferré de France (RFF) l’empêche de financer de nouvelles lignes par emprunt. Par ailleurs, la suspension de l’écotaxe, dont l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) devait recevoir le produit, prive cette dernière de ressources, alors qu’elle n’a déjà pas été en mesure d’honorer ses engagements budgétaires en 2013.
Le financement des projets de LGV déjà décidés n’est donc pas assuré.
La Cour formule huit recommandations visant notamment à :
1/ mieux intégrer la grande vitesse aux choix de mobilité des Français, en insérant le TGV dans une offre tirant parti de l’ensemble des moyens de transport et en levant les restrictions à la concurrence des modes de transport longues distances routiers ;
2 / restreindre progressivement le nombre d’arrêts sur les tronçons de LGV et de dessertes des TGV sur voies classiques et extrémités de lignes, en ne conservant que celles justifiées par un large bassin de population ;
3 / assurer la transparence des données de la SNCF, en particulier la fréquentation par ligne ;
4 / faire prévaloir l’évaluation socio-économique des projets de LGV annoncés ;
5 / ne décider du lancement des études préliminaires qu’après :
- la définition d’un plan d’affaires pour la ligne, associant le gestionnaire d’infrastructure et le ou les opérateurs ferroviaires ;
- la prise en compte par une décision interministérielle formelle des perspectives de financement du projet d’infrastructure et la répartition entre les acteurs (État, RFF, éventuellement collectivités territoriales) ;
7/ concentrer en priorité les moyens financiers sur l’entretien du réseau par rapport aux projets de développement et améliorer le pilotage de la prestation d’entretien du réseau ferroviaire par le gestionnaire d’infrastructure ;
8/ veiller à ce que la définition des futurs ratios d’endettement du gestionnaire d’infrastructure conduise effectivement à ne pas financer des projets non rentables.